
Les grandes lignes de l’Art nouveau – L’élan d’un monde réenchanté
L’histoire de l’Art nouveau en France commence sous une lumière douce et végétale : celle des lampes d’Émile Gallé. Maître verrier et...
16.07.2025
- Histoire de l'art
L’histoire de l’Art nouveau en France commence sous une lumière douce et végétale : celle des lampes d’Émile Gallé. Maître verrier et poète du verre, Gallé initie à Nancy un renouveau artistique où la matière devient un hymne à la nature.
Ses lampes Art nouveau, souvent ornées de glycines, de chardons ou d’algues, ne sont pas de simples luminaires : ce sont des œuvres vivantes, où la lumière semble filtrer à travers les nervures d’une feuille ou la transparence d’un pétale.
Avec lui, la nature s’invite dans les foyers, et le verre, travaillé à chaud puis gravé à l’acide, devient un langage. Gallé ouvre ainsi la voie à toute une génération d’artistes verriers, sculpteurs, ébénistes et architectes, pour qui la beauté naît de l’organique, du mouvement, du vivant.
L’Art nouveau naît en réaction aux styles historicistes dominants à la fin du XIXe siècle. Là où le style Napoléon III ressasse le passé, l’Art nouveau s’ancre dans la modernité, inspiré par les révolutions techniques et sociales : l’électricité, la presse, le téléphone, le chemin de fer… Mais c’est surtout la nature qui devient la grande muse.
Plantes, insectes, figures féminines, arabesques : tout s’entrelace et s’enroule, abolissant la ligne droite au profit de la courbe sensuelle, de l’asymétrie et du mouvement.
Selon la Maison Vessière, spécialiste du cristal, les artistes veulent faire entrer l’art dans la vie quotidienne, abolir la frontière entre art majeur et art décoratif.
Né en Angleterre avec le mouvement Arts & Crafts de William Morris, l’Art nouveau prend mille noms à travers l’Europe : Jugendstil en Allemagne, Modern Style au Royaume-Uni, Stile Liberty en Italie, Sécession viennoise en Autriche.
En France, c’est Samuel Bing qui donne son nom au mouvement en ouvrant, en 1895, sa galerie “L’Art Nouveau”. Mais c’est à Nancy, au cœur de la Lorraine, que le style s’épanouit le plus intensément avec l’École de Nancy, fondée par Gallé et bientôt rejointe par Majorelle, Daum, Gruber ou Delatte.
Le verre, le bois, le métal, l’émail… l’Art nouveau valorise l’artisanat d’art et sublime les matériaux dits nobles, sans hiérarchie.
Chez les frères Daum, le verre devient peau, fleur, souffle. Leurs collaborations avec Louis Majorelle, qui conçoit les pieds des lampes en fer forgé, aboutissent à des œuvres hybrides, délicates et puissantes à la fois.
Dans l’architecture, Hector Guimard, père des célèbres bouches de métro parisien, déploie une grammaire de formes souples, organiques, aux teintes douces et végétales.
À Bruxelles, Victor Horta intègre vitraux, mosaïques et ferronneries dans ses maisons inondées de lumière. Quant à Antoni Gaudí, il pousse l’inspiration naturelle jusqu’aux os, coquillages, branches et reliefs dans les pierres de la Sagrada Família.
Dans les arts graphiques, Alfons Mucha incarne cette vision idéalisée et mystique de la femme, magnifiée par des ornementations florales et des halos de cheveux flottants. Chez René Lalique, ce sont les bijoux qui s’ornent d’ailes de libellules, de corps de serpents, de fleurs stylisées, exaltant les trois “F” de l’Art nouveau : la faune, la flore et la féminité.
Avec la Première Guerre mondiale, l’Art nouveau s’éclipse au profit de l’Art déco, plus géométrique, plus rationnel, plus mondain. Jugé trop ornemental, trop sentimental, il est longtemps relégué au rang de style “éphémère”. Mais à partir des années 1960, une redécouverte s’amorce : on réévalue son génie décoratif, sa poésie, sa maîtrise des matériaux et son dialogue avec la nature.
Aujourd’hui, les lampes Gallé, les vases Daum, les bijoux Lalique sont redevenus des pièces de collection convoitées. Témoins d’un temps où l’art caressait la nature, ils incarnent un rêve toujours vivant : celui d’un monde réconcilié avec le beau.